La Compassion
« Ceux qui pratiquent l’amour et la compassion se sentent extrêmement heureux, détendus et sereins. Ainsi, les autres leur expriment en retour amour et bienveillance. »
Dalai Lama
Les avantages de la compassion
De la compassion proviennent directement ou indirectement toutes les qualités auxquelles les gens ordinaires font référence lorsqu’ils qualifient une personne d’exemplaire ou d’authentique. Il peut s’agir par exemple d’une personne positive, qui aime ses enfants, son ou sa conjoint(e), d’une personne qui entretient des relations amicales harmonieuses, qui fait son travail avec honnêteté et un altruisme pur, ou encore d’une personne qui accomplit tous les objectifs qu’elle s’est fixés, etc...
De plus, tous les sentiments de non-violence, d’amour et de respect sont nourris par la compassion. Cela ne fait pas de différence que ces sentiments soient éprouvés envers les autres êtres humains, les animaux domestiques tels les chiens et chats ainsi qu’envers les animaux sauvages, les oiseaux, les insectes ou toutes formes de vie, si infimes soient-elles.
En outre, le précieux esprit d’éveil est la qualité essentielle qui permet d’accomplir le bonheur insurpassable de l’éveil des êtres. La racine de cet esprit est la compassion. Le Bouddha Maitreya explique :
« Sans la compassion pour racine, aucune patience ne pourra être développée face aux difficultés. Le sage qui n’est pas patient face à la souffrance ne pourra pas faire émerger en lui cet esprit tourné vers le bien des êtres. »
L'importance de la compassion, au début, au milieu et à la fin
Pour mieux comprendre, prenons l’exemple concret de la prise en charge d’un enfant par ses parents. Les conditions nécessaires pour que l’enfant puisse bien grandir et jouir d’une belle vie sont les suivantes :
1) Il faut au départ que le spermatozoïde du père féconde l’ovule de la mère et que débute la vie dans la matrice. Il importe également que la mère ingère tous les nutriments nécessaires à sa croissance et qu’elle porte continuellement une attention particulière afin de s’assurer du bien-être et de la santé du fœtus.
2) Ensuite, au milieu, il sera important que ses parents adoptent une conduite exemplaire, qu’il ait accès aux ressources matérielles nécessaires à son développement, à une éducation auprès de professeurs excellents, etc. Cela importe afin que dès que l’enfant sort du ventre de sa mère, il puisse emprunter une avenue positive.
3) Finalement, plus tard il sera important que l’enfant aide à son tour les autres grâce à sa bonne conduite et à l’éducation que ses parents et ses professeurs lui auront bien transmis avec le souci de le rendre heureux.
Comme dans cet exemple, la compassion est le fondement, la voie et le résultat qui procurent le bonheur de l’éveil insurpassable.
1) Tout d’abord, la compassion est le fondement sur lequel se développe l’esprit d’éveil;
2) Ensuite, elle est la voie qui fait continuellement progresser;
3) Finalement, elle est le résultat par lequel un Bouddha[1] peut œuvrer à éradiquer la souffrance chez tous les êtres sensibles.
Ainsi, on peut voir que la compassion est importante au début, au milieu et à la fin. De même, une récolte nécessite d’abord des graines, puis de l’eau et de l’engrais. La maturation des plants peut ensuite se produire. On peut voir ainsi que la compassion est très importante au début, au milieu et à la fin du chemin vers le bonheur de l’éveil insurpassable. Le glorieux maître Chandrakirti explique:
< Seule la compassion est considérée comme la graine de l’excellente récolte d’un bienveillant Vainqueur : elle est telle l’eau pour sa croissance et la maturation en l’état de félicité durable. Par conséquent, je loue tout d’abord la compassion. >
On ne pourrait trouver d’intention plus positive ni plus bénéfique pour les êtres sensibles que la compassion, racine de toutes les voies spirituelles. Toutes les paroles du Bouddha peuvent être résumées en un seul mot : la compassion.
La compassion peut être subdivisée de plusieurs manières. Elle peut être plus ou moins intense, ou encore accompagnée d’une sagesse plus ou moins aiguisée, etc.
La compassion se trouve dans le continuum mental de tout être sensible, qu’il soit devenu Bouddha ou qu’il ne soit qu’un minuscule animal. Chacun peut la développer, peu importe son origine, sa nationalité, sa couleur de peau, son sexe, sa condition, etc. Bref, cela inclut toute forme de vie jusqu’à la plus infime.
Certaines personnes se demandent si les êtres minuscules tels les insectes ou encore les personnes violentes ou cruelles possèdent également la compassion. Les textes philosophiques bouddhistes affirment qu’au sein du continuum mental de chaque être sensible existe la compassion. Cependant, lorsqu’en certaines circonstances on ne dénote pas la présence de compassion, ce n’est pas qu’elle est inexistante, mais simplement qu’elle n’est pas manifeste. Les saints maîtres tibétains du passé ont dit :
« Pourquoi ce qui existe devrait-il nécessairement être évident? »
Sa Sainteté le Dalaï-Lama dit :
« Ceux qui pratiquent l’amour et la compassion se sentent extrêmement heureux, détendus et sereins. Ainsi, les autres leur expriment en retour amour et bienveillance. »
Cependant, lorsque l’on est en colère, les sentiments de paix, d’affection et de confiance ne peuvent être générés. Grâce à l’amour et à la compassion, la compréhension, la solidarité, l’amitié et l’unité peuvent être développées. L’amour et la compassion sont la base de tout. Ils sont de la plus haute importance et sont extrêmement précieux.
L’être humain possède un inconcevable pouvoir de réflexion qui lui a permis un développement matériel et technologique extraordinaires. Si nous mettions en pratique de manière équilibrée autant le développement intérieur que l’extérieur, nous pourrions admirablement faire usage du développement matériel et en profiter pleinement. Ainsi, la grande valeur de notre vie humaine ne serait pas gaspillée.
L'importance d'une compassion accompagnée de la sagesse
Sans l’œil de la sagesse, la compassion seule ne permettra pas d’atteindre le bonheur de l’éveil insurpassable. Atisha dit :
« La méthode dissociée de la sagesse et la sagesse dissociée de la méthode nous enchaînent. Par conséquent, n’abandonnez pas les deux. »
Ainsi, la pratique ou la méditation conjointe de la méthode et de la sagesse sont les causes essentielles permettant d’atteindre le bonheur sublime de l’éveil insurpassable. La sagesse exempte de la méthode fera aboutir dans la situation extrême qu’est la paix solitaire du nirvana[2]. La méthode appliquée sans sagesse ne fera que nous enchaîner dans l’autre situation extrême qu’est le samsara[3].
Par exemple, au moment ou l’on acquiert un animal, on peut être particulièrement excité et content. Lorsque vient le temps d’en prendre soin, cela devient très difficile. Finalement, au moment où l’animal décède ou qu’on doive prendre la décision de l’euthanasier, c’est extrêmement triste. Ce genre de confusion se présente fréquemment de nos jours. De plus, l’impact négatif de devoir tuer un animal est beaucoup plus puissant que les bienfaits découlant des soins qu’on lui aurait prodigués durant plusieurs années. Ainsi, avant d’acheter un animal de compagnie, il est très important d’analyser notre véritable capacité à pouvoir en prendre soin jusqu’à la fin de sa vie.
De nos jours, il est vraiment regrettable que certaines personnes aient perdu le sens des valeurs et n’aient aucun respect. On les voit traiter les personnes et les animaux comme s’ils étaient des machines.
En outre, le travail, les richesses et les biens sont sensés bénéficier à l’être humain. Ils ne devraient pas à l’inverse servir à assujettir les hommes. Par conséquent, il importe que notre courte vie humaine puisse nous apporter bonheur et liberté et non pas nous rendre esclaves.
Il est par ailleurs très facile et rapide de nos jours de se faire de nouveaux amis. Par contre, nous vivons avec eux par la suite des problèmes relationnels tout aussi rapidement et facilement. Les séparations surviennent sous prétexte de la moindre difficulté expérimentée. Évitons donc avec sagesse ce genre de situation en pensant immédiatement aux problèmes qui en découlent. Sa Sainteté le Dalaï-Lama dit également :
« La pratique conjointe d’un esprit positif et de la sagesse permet de créer une vie familiale empreinte de paix et d’affection authentiques. »
Les objets de la compassion et comment y réfléchir
Les objets de la compassion sont les êtres sensibles qui sont tourmentés par les trois sortes de souffrances (la souffrance de la douleur, la souffrance du changement et la souffrance omniprésente). La compassion se manifeste par la pensée : « Puissent-ils être libérés de ces souffrances! ».
1) La souffrance de la douleur est tout ce qui est douloureux tant au niveau physique que mental (par exemple, un cancer, une peur, etc.). Non seulement les humains veulent éviter ce type de souffrance, mais les animaux également. Afin de la prévenir, il importe de prendre des mesures telles que bien se nourrir, se vêtir, prendre des médicaments, etc...
2) La souffrance du changement est généralement perçue comme du plaisir. C’est qu’en fait nous ne voyons pas sa vraie nature. Par exemple, lorsque nous achetons un nouvel objet, comme une voiture, nous sommes contents et satisfaits de la posséder. Cependant, lorsqu’on commence à l’utiliser et que certains problèmes surviennent, que plus on l’utilise, plus ces problèmes abondent, notre bonheur n’augmente pas. Il semble même diminuer et disparaître. Il devient clair que ceci constitue aussi une forme de souffrance.
Il n’est pas difficile de trouver des exemples de situations impliquant cette forme de souffrance de nos jours. Pensons simplement aux souffrances associées à la perte d’un emploi ou d’un ami...
3) La souffrance omniprésente est simplement la continuité des contaminations du corps et de l’esprit dans notre continuum mental. Elle est l’unique cause maintenant continuellement dans le samsara. Aussi longtemps qu’elle sera présente en notre continuum mental, le samsara se perpétuera. Comme elle est une formation mentale qui produit les souffrances futures, elle porte le nom de souffrance omniprésente des formations.
Voici comment se libérer de ces trois sortes de souffrances. En percevant que les sensations agréables (la souffrance du changement) sont une forme de souffrance, nous mettons un terme à l’attachement. En réalisant que les sensations désagréables (la souffrance de la douleur) proviennent du corps et de l’esprit contaminés, qui sont eux-mêmes des causes de souffrances, nous abandonnons l’aversion. En percevant que les sensations neutres (la souffrance omniprésente) sont de nature impermanente et qu’elles prendront inévitablement fin, nous mettons un terme à la confusion.
On médite sur la compassion en contemplant d’abord minutieusement comment les êtres sensibles sont tourmentés par ces souffrances. On développe ensuite ce souhait du plus profond de notre cœur : « Comme il serait merveilleux s’ils étaient libérés de toutes ces souffrances et de leurs causes! » On médite ainsi jusqu’à ce que la compassion naisse en nous.
On expire de la narine droite en imaginant que sont expulsées à ce moment, sous forme de fumée noire, toutes nos souffrances et nos pensées conceptuelles causes de souffrances. De la narine gauche, on imagine qu’on inspire, sous forme de rayons de pure lumière blanche, tout le bonheur recherché. Méditons ainsi jusqu’à ce qu’on ressente un grand bien-être. Une fois franchie cette étape, étendons cette méditation en incluant d’abord nos proches, puis nos amis, jusqu’a inclure nos ennemis et le plus infime être sensible de l’univers.
Une fois développés l’amour et la compassion, on médite sur l’intention altruiste supérieure, en ayant pour objet tous les êtres sensibles qui sont privés de bonheur et tourmentés par la souffrance. On développe ainsi cette pensée altruiste supérieure: « Je vais atteindre rapidement le précieux bonheur de l’éveil insurpassable, afin de pouvoir les doter de tous les bonheurs et les libérer de toutes leurs souffrances. » On médite ainsi du plus profond du cœur et on conclut la session de méditation totalement inspiré par ce souhait.
[1] Contrairement à la croyance populaire, il n’existe pas qu’un seul Bouddha. Celui connu par la majorité est le Bouddha Shakyamouni, le Bouddha historique. Le mot sanscrit Bouddha signifie plutôt l’état de tout être qui a atteint son plein potentiel, libre de tout voile.
[2] Le nirvana ou libération réfère au moment où l’esprit est libéré de l’ignorance. Il est alors libre de toutes souffrances. Cet état n’est toutefois pas le but ultime de la voie, car il ne permet pas d’œuvrer parfaitement au bien des autres comme le permet le plein éveil.
[3] Samsara signifie « cycle ». Sans la sagesse qui libère de l’ignorance, on répète toujours les mêmes erreurs et on erre constamment dans l’existence cyclique, le samsara.
Guéshé Lobsang Samten